Traceur de courbe Ia=f(Va) d'une triode sur oscilloscope





1. Présentation du circuit

Une des applications des petits oscillos comme l'OS-2 Heathkit est de tracer la caractéristique "courant anodique en fonction de la tension anodique pour plusieurs tensions de grille données", soit Ia=f(Va) @Vg, directement sur l'écran.
J'ai déjà décrit ce genre d'appareil, mais celui-ci n'est pas à lampes et est beaucoup plus simple à réaliser.

Il nécessite une alimentation de laboratoire, comme la IP-17 Heathkit, ou une alim comme celle-ci, fournissant :
- une haute tension (au moins 320V)
- une tension négative (de -40 à -50V)
- une tension de chauffage adaptée à la lampe que l'on veut tester (par ex. 6,3V)
- une tension continue de 5V pour l'électronique (fournie par exemple par un module convertisseur secteur)

Naturellement, qui peut le plus peut le moins, et donc cet appareil pourra être utilisé avec un oscillo plus moderne et étalonné.
Dans ce cas, on pourra même faire des mesures réelles sur l'écran, comme l'intensité anodique maxi, la pente et la résistance interne de la lampe.



2. Circuit générateur des tensions

D'habitude, les circuits traceurs sont "analogiques" : la tension d'anode est en général générée par un circuit intégrateur, fournissant une rampe de tension.
La tension de grille, en escalier, est également générée par un circuit analogique, souvent une pompe à diode.
D'autre part, ces 2 tensions doivent être synchrones, plus exactement, la tension de grille doit demeurer constante pendant la rampe de tension anodique.
Le retour à 0V de celle-ci fait "avancer" d'une marche la tension de grille. Souvent ce synchronise est réalisé par un montage monostable utilisé en diviseur de fréquence.
Tout ça peut être remplacé simplement par un microcontrôleur suivi de deux convertisseurs numériques-analogiques. Le synchronisme est réalisé simplement par logiciel grâce à un compteur.
La contrepartie est que la tension anodique n'est plus une rampe continue mais une tension en escalier également. Le tracé sera donc non des courbes continues mais une série de points, qui pourront s'apparenter à une courbe continue...

Voyons le schéma de ce générateur :



Comme on peut le voir, c'est très simple ! Un microcontrôleur 16F690 et un double CNA, le MCP4822; ces deux composants étant de conception Microchip.
Notez que ces 2 composants sont reliés en SPI par 4 connexions (SDI,SCK,CS et L), ce qui simplifie le câblage. Bien évidemment, il faut un contrôleur qui a une interface SPI et c'est le cas du 16F690.
Cela veut dire qu'il comporte les buffers de transfert de données (12 bits de données, 4 bits de réglages) et les flags de protocole. Bref, côté programmation, c'est simple aussi.
La ligne L (load) n'est pas vraiment nécessaire, elle permet simplement d'actualiser les 2 sorties en même temps, ce qui n'est pas franchement utile dans cette application...
Le reste des composants est minimal : le quartz et ses 2 condos, un circuit de reset (pas vraiment utile non plus d'ailleurs), un petit condo de découplage d'alim.

Notez le module d'alim 5V qui fournit au max 0,7A largement dimensionné, mais tout petit en réalité. Tel quel, ce générateur se branche donc sur le secteur ...

Passons au câblage et essais:


Le circuit est câblé sur un circuit pastillé

Des borniers permettent de connecteur l'alim d'un côté et de l'autre les sorties Va et Vg.
Voici quelques oscillogrammes montrant l'allure des tensions générées :


Synchronisme des 2 tensions
On voit que la tension Va ressemble beaucoup à une rampe, vu qu'elle comporte 32 paliers espacés de 0,1V. La tension de grille, elle, ne comporte que 8 paliers de 0,5V.
La "rampe" Va dure 3,2ms et l'escalier de Vg 8 fois plus, 25,6ms. Autrement dit, le cycle de rafraichissement de l'écran est de 40Hz environ, amplement suffisant pour ne pas avoir de scintillement.


Amplitude de Va


Amplitude de Vg

Si on s'amuse à afficher ces 2 tensions en XY, voilà ce que ça donne :



Ces 2 tensions Va et Vg ne peuvent convenir à la polarisation d'une lampe : Va est beaucoup trop faible et Vg n'est même pas de la bonne polarité (elle doit être négative); il faut donc des amplificateurs ....



3. Amplificateur de tension de grille

Suivant les lampes à tester, la tension de grille peut s'échelonner sur quelques volts, jusqu'à plusieurs dizaines de volts.
Il faut donc un ampli à gain variable; en plus, cet ampli doit être inverseur, pour changer la polarité.

Voici le schéma de cet ampli :


Amplificateur-inverseur de tension de grille

L'ampli intégré est alimenté en -30V grâce à la tension négative fournie par l'alim de labo (-45V par exemple). Il est suivi d'un transistor PNP permettant d'augmenter le courant de sortie, même si théoriquement, une grille de lampe n'en consomme pas. Mais c'est pour prévoir le cas d'un court-circuit accidentel en sortie : le circuit intégré sera protégé.
La charge d'émetteur est une résistance à prises permettant de régler le gain de l'ensemble. Comme l'ampli est câblé en inverseur (entrée + à la masse), le gain global sera négatif.
Les gains possibles sont : -1 -2 -4 -8

Une fois câblé sur un circuit pastillé, l'essai consiste à relier l'entrée E sur la sortie Vg du générateur précédent :


Essai de l'amplificateur de tension de grille
Notez le commutateur de gain sur lequel sont câblées les 4 résistances et qui est déporté, afin de pouvoir être installé sur la face avant du futur ensemble.



Détail de l'amplificateur de tension de grille

Oscillogrammes :



Gain = -1 ; la tension de sortie varie de 0 à -3,5V


Gain = -2 ; la tension de sortie varie de 0 à -7V


Gain = -4 ; la tension de sortie varie de 0 à -14V


Gain = -8 ; la tension de sortie varie de 0 à -28V



4. Amplificateur de tension d'anode

Les contraintes sur cet ampli sont différentes : il est non-inverseur, puisque la tension d'anode est positive, mais il doit pouvoir générer en sortie une tension élevée.
D'autre part, l'intensité à fournir peut atteindre les 100mA. On ne peut donc pas le réaliser n'impore comment, il va falloir un transistor supportant à la fois une forte tension et une intensité non négligeable.

Voici le schéma de cet ampli :


Amplificateur de tension d'anode

On retrouve un montage collecteur commun, les 2 transistors du haut formant un montage darlington pour que le BUT11 puisse drainer plus de 100mA même avec un courant de commande faible.
Le 3° transistor est monté en différentiel : il se polarise de façon à ce que sa tension de base soit égale, à 0,6V près, à sa tension d'émetteur qui reçoit la tension Va du générateur.
La diode compense justement le 0,6V d'écart. La tension de base étant une fraction de la tension de sortie, le gain procuré est de 100 ou de 50 selon la position de l'interrupteur.
Le potentiomètre règle le gain à la bonne valeur. Pour faire fonctionner le circuit, c'est-à-dire pour qu'il puisse "sortir" 310V au maximum, la tension +D doit être de 320V au moins.

Essais :



L'amplificateur de tension d'anode
Le transistor BUT11 doit être monté sur radiateur. En effet, il risque de dissiper pas mal de chaleur, même si en moyenne, tout calculé c'est l'affaire que quelques watts.


L'amplificateur essayé
Notez la charge de 3,3kohm, simulant un courant maxi de 100mA environ (lorsque Va=310V)

Oscillogrammes




Tension anodique en fonction de la tension Va
L'inter procure donc 2 tensions anodiques : de 0 à 310V pour les lampes standard et de 0 à 155V pour les lampes "batteries" n'appréciant guère les tensions trop élevées.


Défaut constaté sur la tension anodique
On remarque que la tension ne peut descendre sous 13V (lorsque le max est à 310V) car on n'arrive pas à bloquer complètement le darlington.
Ceci est sans importance car la zone de la tension anodique proche de 0 n'est pas vraiment intéressante. D'autre part, c'est dans cette zone que toutes les courbes se rejoignent, donc concrètement, il serait impossible de les distinguer.



5. Assemblage des éléments

Le peu d'éléments devrait tenir dans un volume restreint ...
Voici le schéma de l'appareil complet :


Traceur complet (cliquer pour le PDF)

Il suffit de raccorder les circuits déjà vus, de prévoir l'accès aux alims extérieures, les liaisons à la lampe à tester, sans oublier une résistance dans sa cathode pour mesurer l'intensité anodique (qui est la même dans le cas d'une triode).


Ensemble des composants (cliquer pour agrandir)

Les 3 circuits pastillés et le module secteur ont été fixés sur une plaque de PVC de 110x95 mm environ.
L'inter et les 2 résistances supplémentaires servent au circuit de mesure d'intensité dans le circuit de cathode de la lampe. En effet, je prévois déjà 2 calibres de mesure :
- 1V pour 10mA
- 1V pour 100mA
En effet, il ne faut pas que la tension aux bornes de la résistance de mesure soit trop grande car elle viendrait se retrancher à la tension de grille, faussant les courbes.

La plaque sur laquelle les circuits sont fixés sera surmontée d'une même plaque, formant face avant, supportant toutes les prises et les commandes.
Un cadran en papier y sera collé :


Le cadran en papier avant collage


La face avant équipée


Les 2 plaques seront entretoisées par 4 tiges filetées de 75 mm de long
Il n'y a plus qu'à relier tout ça ...




Essais :


Essai de traceur (cliquer pour agrandir)





La lampe est installée sur le lampemètre dont on n'utilise que les supports de lampe et le circuit de chauffage.
Une alim IP-17 fournit le -45V et le +350V
L'oscillo est connecté sur les sorties X et Y.

Résultats :



Caractéristique d'une ECC82

On a choisi une tension de grille de 0 à -14V ; une tension d'anode maxi de 310V.
On voit que l'intensité maxi atteint 34mA (pour Vg=0 et Va=310V), ceci est possible car on alimente en impulsionnel la lampe, donc cette intensité ne dure que 3,2ms.
Avec un lampemètre classique, on ne peut pas mesurer ce point de polarisation car la puissance dissipée serait trop grande, on risquerait de détruire la lampe.

Si on utilise un oscilloscope étalonné, on peut faire des mesures sur son écran :


Caractéristique d'une ECC82 : calculs

Si on prend comme point caractéristique le couple (Vg=-6V ; Va=+250V), on mesure l'intensité anodique de 12,5mA et voici comment déterminer les constantes de la lampe à ce point :

- en traçant la tangente à la courbe en ce point (trait rouge incliné), on peut calculer sa pente en remarquant que pour un écart de 100V sur Va (traits rouges verticaux), on a un écart de 10mA sur Ia (traits bleus horizontaux). On a donc 100V/10mA = 10.000ohm. Cette valeur est celle de la résistance interne de la lampe.
- maintenant, si du point caractéristique on monte une droite verticale (en vert), on rencontre la courbe juste au-dessus (Vg=-4V) à l'intensité Ia de 16,5mA environ, soit une augmentation de 4,5mA pour une augmentation de Vg de 2V. Le rapport 4,5 / 2 donne 2,25mA/V. Ceci est la pente de la lampe.
- Enfin, en multipliant résistance interne et pente entre elles, on obtient un produit de 22,5 qui est le coefficient k de la lampe.

Voici maintenant quelques courbes relevées sur d'autres lampes :


Une ECC82 bien fatiguée ...





Deux ECC83, une bonne, une moins bonne ...






Trois ECC81, une bonne, une moins bonne et une fatiguée ...


Et pour finir, un essai avec un oscillo OS-2 :


Essai avec un OS-2 (cliquer pour agrandir)
ah oui, c'est vrai, l'ampli horizontal de cet oscillo a un gain négatif ... les courbes sont donc retournées sur l'axe des Va.


D'autre part, j'ai remarqué que les graduations de Vg sont inversées sur le cadran.
Il y a donc quelques améliorations à faire ....



6. Améliorations

Il y a deux choses à faire : changer le cadran des tensions Vg et prévoir une inversion de la tension X pour pouvoir utiliser ce traceur sur un oscillo OS-2.
On peut même en profiter pour augmenter le gain sur la voie X pour, par exemple, qu'une tension Va de 300V corresponde à 10 carreaux sur un oscillo étalonné, ce qui permettrait de "remplir" l'écran pour avoir plus de précision de mesure.

Cadran :

Il suffit de changer le dessin. J'ai découpé la partie changée et je l'ai collée sur le cdran existant :

ça, c'est fait

Ampli inverseur de tension X

Bon, rien de bien compliqué, voici le schéma :

Amplificateur inverseur de tension X

Le gain procuré est de 5/3 ou de -5/3. Autrement dit, on aura 5V (ou -5V) pour une tension de 300V (ou de 150V) sur l'anode de la lampe.
On a là un ampli inverseur / non-inverseur commandé par un simple interrupteur. (montage bien connu de ceux qui il y a une éternité faisaient des générateurs de fonctions)
Le plus embêtant est qu'il faut alimenter l'ampli intégré en deux tensions opposées, qu'on fabrique à partir du +350 et du -45 grâce à 2 zener de 12V.
Tout ça tient sur une 4° plaque de pastillé :



amplificateur de tension X câblé


Essais :




Tension X en fonction de la position de l'interrupteur

Il n'y a plus qu'à installer le nouveau circuit sur la plaque :



La place est trouvée à côté de l'ampli de tension anodique

Et voilà ce que ça change sur un oscillo étalonné :


On a maintenant 30V/carreau sur l'axe des Va, c'est plus pratique.

Et en basculant l'interrupteur, on peut utiliser un OS-2 :


C'est mieux dans ce sens-là ...

Et pour finir, voici le schéma et le cadran définitifs:



Traceur de caractéristiques(cliquer pour les PDF)

Et si on veut tester une pentode ?
Il n'y a alors qu'à alimenter sa grille écran (G2) par une alimentation supplémentaire externe, c'est tout !