Circuit générateur pour afficher l'heure sur un Tektronix 5440 (avec le readout)





1. Présentation de l'oscilloscope Tektronix 5440

J'ai toujours été admiratif devant un oscilloscope Tektronix, il faut dire que c'est du beau (et très bon) matériel.
Robuste, possédant des caractéristiques au "top", un Tektro est une valeur sûre, du moins pour les appareils dits "analogiques".
L'intérêt d'un scope analogique c'est qu'il est en général toujours réparable, et même s'il ne dépasse guère quelques centaines de MHz, ne produit pas d'artefacts comme un numérique poussé aux alentours du Gigahertz.
Tektronix a fait assez vite des oscilloscopes "à tiroirs" (plug-ins), ce qui avait l'avantage pour l'utilisateur de customiser son scope, en ayant une famille de tiroirs adaptés à ses besoins. On en trouve même à lampes ...

Le 5440 est donc un oscillo à tiroirs, il peut en avoir 3 :


Face avant du 5440

Celui-ci est équipé de 2 tiroirs "2 canaux" (5A48) et d'un tiroir base de temps (5B92A)
Il fait partie de la série 5000, qui comporte pas mal de tiroirs. Equipé de ses tiroirs, celui-ci "monte" à 60MHz.


les tiroirs de ce 5440

La base, répertoriée sous la référence 5103, est constituée d'un bâti, d'un tube cathodique, des alimentations nécessaires et des circuits d'interface avec les tiroirs :





Vues de la base (frame)

En fait, cette base est constituée de deux châssis : un qui contient le tube (et donc on trouve des tubes "normaux" et des tubes à mémoire), et un autre qui contient les alims et le rack qui accueille les tiroirs :


rack d'accueil des tiroirs

La conception en 2 racks permet, soit de les superposer, comme ce 5440 pour en faire un appareil de laboratoire, soit de les assembler mécaniquement côte à côte, et dans ce cas, on a affaire à un 5440RM, rackable mountable (en français : qu'on peut installer dans une baie 19", dans le cas de matériel industriel de test)
Il reste juste une fonction, qui ressemble à un gadget, mais qui n'en est pas un : le readout. Cette fonction permet d'afficher sur l'écran, les calibres de chaque tiroir : la sensibilité en Volt, mais aussi le fait que l'on n'est pas calibré (bouton var non verrouillé) et le fait qu'on a appuyé sur le bouton d'inversion. L'intérêt ? Et bien c'est d'avoir ses informations sur la photo qu'on va faire de l'écran pour des fins de vérification de performances. Il faut se souvenir que dans un service contrôle, à une certaine époque, avec ce genre d'appareils, on ne pouvait faire qu'une photo de l'écran comme preuve. On n'en était pas encore à une capture d'écran ....



2. Système d'affichage des calibres à l'écran (readout)

On trouve ce système sur 2 séries : la 5000 et la 7000. La première, dont fait partie ce 5440, comporte 3 tiroirs, 2 dédiés au "vertical", 1 dédié à la base de temps. (ou à l'horizontal). La 7000 comporte 4 compartiments pour accueillir 4 tiroirs : 2 "verticaux", 2 horizontaux : on peut donc avoir 2 base de temps indépendantes ! (et celles-ci peuvent avoir chacune une base de temps retardée ..., bref une Rolls)
Ces deux séries sont les "must". En tant que telles, il fallait un plus : l'affichage sur l'écran des calibres.
Aujourd'hui, et c'est ce que Tektro a fait par la suite, on prendrait un microprocesseur, une table de pixels et on convertirait les caractères en pixels (bitmap). Sur le readout des séries 5000 et 7000, pas de ça : il n'existait pas de micro assez rapide à l'époque.
Non, Tektro a conçu un système séquentiel rapide, avec des générateurs de caractères vectoriels, ce qui ne nécessite que quelques données par caractères
L'affichage se fait en interrompant le balayage, ce qui permet, sous certaines conditions, de "saucissonner" les signaux pour afficher des caractères ...

Je vous conseille un site très bien fait sur tous les matériels Tektronix : ICI
Et pour comprendre (en anglais) le fonctionnement du readout, ce document : ICI (pages 21 à 31)

Je vais essayer de vous résumer le fonctionnement ....
Tout d'abord, le système est prévu pour pouvoir afficher 8 zones sur l'écran :


Les 8 zones d'affichage sur l'écran

On remarque qu'il y a 6 zones correspondant aux tiroirs : 2 pour le tiroir de gauche (les tiroirs peuvent avoir 2 entrées, notées CH1 et CH2), 2 pour le tiroir central, 2 pour le tiroir de droite, dédiée à la base de temps (et si on a un tiroir à base de temps retardée, on a donc 2 calibres possibles)
Et il y a 2 zones de "rab". Ces zones sont "user defined", c'est-à-dire qu'on peut afficher ce qu'on veut dans chacune de ces zones à condition :
- d'avoir un accès électronique, c'est l'option 3
- de brancher sur cet accès un circuit qui va générer les commandes de caractères

C'est ce qui ce passe dans chaque tiroir : il y a, couplé au bouton de calibre, un système qui génère ce qu'il faut pour afficher les caractères correspondant au calibre ...
Voyons ça de plus près ...
Il est possible d'afficher 50 caractères différents, par un procédé de multiplexage en courant. C'est simple : 10 générateurs produisent des impulsions séquentielles à -15V :


on les appelle les "time-slots"
Chaque time-slot correspond à la position (en partant de la gaucheà dans la zone choisie d'affichage)
Deux lignes de détection, COL (colonne) et ROW (rangée), sont connectées à l'aide de résistances à un certain nombre de lignes time-slots suivant la matrice suivante :


Matrice de codage

Prenons un exemple. Si on veut afficher la lettre "A" en 3° position de la zone, on doit :
- connecter le time-slot 3 (TS3) à COL à l'aide d'une résistance de façon à avoir un courant de 300µA
- connecter le même TS3 à ROW à l'aide d'une résistance de façon à avoir un courant de 400µA



Comme TS3 est une impulsion à -15V, la résistance sur COL sera de 50k (15V/300µA), et la résistance sur ROW de 37,5k (15V/400µA)

Pour afficher un mot complet dans une zone donnée, il faut 2 résistances par time-slot "utile", c'est-à-dire par caractère affiché.
Sauf que ça se complique un peu car il est possible d'ajouter 1 ou 2 zéros, d'afficher le point décimal où on veut, d'afficher un symbole lorsqu'on inverse le CH2, ou lorsqu'on tourne le bouton VAR ...
Imaginez la circuiterie dans un tiroir en fonction du calibre choisi et des boutons enfoncés ... Voici un exmple :


Exemple de codage du readout



3. Réparation de l'éclairage du graticule

Une des réparations que j'ai du faire sur ce 5440 est le remplacement des ampoules qui éclairent le graticule.
Opération assez simple, qui ne nécessite pas trop de démontage. Mais il faut avoir les ampoules ... On pourrait les remplacer par des leds ...




Il faut enlever les 3 boutons et les écrous de maitien des potards

Les 3 ampoules sont installées sur la carte qu'il faut glisser vers l'arrière pour y accéder :



Coup de bol, j'avais des ampoules 12V/60mA :


A gauche les ampoules d'origine, à droite les nouvelles

Il faut dessouder les fils des ampoules de leur support et les ressouder sur le circuit :


Essai avant remontage : ok, ça s'éclaire !

Remontage. Essai :


Eclairage du graticule : OK

Voilà un exemple de readout : les 2 tiroirs sont "ON", les 2 voies de chacun sont "ON", il y a bien 4 traces à l'écran et les 4 calibres sont affichés, en plus de celui de la base de temps.



4. Ajout de l'option 3

J'imagine bien qu'il n'a pas du y avoir beaucoup de 5440 équipés de l'option 3 : qui aurait eu besoin d'afficher 2 mots de 10 caractères sur l'écran en plus des calibres ??
Par conséquent, ce 5440 n'en est pas équipé ...
Heureusement, sur le même site, on a la doc du 5403 (qui est la référence de la base), dans laquelle on a des pages concernant cette option : ICI (pages 44 à 48)
On y trouve en particulier les connexions de la prise :


Option 3 : connecteur arrière

Mais aussi un exemple. Il s'agit d'afficher le mot "TESTnn" où nn est un nombre, compris entre 00 et 99, choisi par 2 commutateurs :


exemple d'utilisation de l'option 3
Suivant qu'on utilise ROW1/COL1 ou ROW2/COL2, le texte apparaitra dans une des 2 zones en bas à droite.
On pourrait même utiliser les 2 zones, en faisant un second circuit comportant des commutateurs permettant de combiner la date, ou le nom du technicien ayant fait le contrôle ...


Bon, en fait, il suffit de trouver dans l'oscillo où se trouve les 10 lignes TS et de les raccorder à une prise Sub-D 25 points femelle ...

Pour y voir plus clair et accéder à tout, le mieux est de désaccoupler les 2 racks. C'est assez simple, il y a 4 vis qui les retiennent entre eux :


Les 2 racks séparés




Celui qui nous occupe est celui du bas, avec les alims et les connecteurs des tiroirs




Les 10 accès aux TS sont regroupés, facile !

A noter que si d'origine, la liaison se faisait par une nappe, il aurait été intelligent que les TS sur la prise sub-D soient dans le même ordre que sur la carte de fond de panier ... or, je me suis aperçu que par rapport au dessin précédent de la prise, il y avait inversion entre TS2 et TS3 .... je crois plutôt à une erreur sur le dessin.
J'ai donc câblé la prise en inversant TS2 et TS3 par rapport au dessin de la doc :



Je ne saurai sûrement jamais si j'ai eu raison ...



Les lignes ROW1/ROW2/COL1/COL2 sont accessibles un peu plus loin sur la carte de fond de panier
J'ai pu le savoir en regardant le schéma dans la doc ...
Puis j'ai câblé les 14 fils sur la prise :


La prise de l'option 3 câblée

Puis je l'ai installée à son emplacement. Le trou était fait dans la contre face arrière , mais j'ai du percer cette dernière :


La prise installée à l'arrière

Première application : mon nom sur l'écran !

Il suffit de suivre la matrice et de calculer les résistances, puis de tout câbler :


La prise équipée des résistances
Il faut que les valeurs soient respectées à 1% pour les valeurs inférieures à 50k et 5% pour les autres. D'où les associations ...



La prise connectée à l'arrière du 5440

Et voyons ce que ça donne à l'écran :

Ouah, l'autre, le mégalo !

Application plus utile peut-être : afficher une pendule sur l'écran ....



5. Générateur de la pendule

L'idée est d'afficher à l'écran l'heure sous la forme HH.MM.SS, c'est-à-dire utiliser 8 TS, 2 pour les heures, 2 pour les minutes, 2 pour les secondes et 2 pour les points de séparation.
Pour les points de séparation, 4 résistances suffisent, mais pour les 6 chiffres .... pas question d'utiliser des commutateurs, même si, en regardant de plus près la matrice, pour coder des chiffres de 0 à 9, il suffit de faire varier le courant uniquement dans la ligne COL puisque le courant dans la ligne ROW doit être nul (donc ROW non reliée à aucun des TS) :


Le codage des chiffres ne nécessite que de faire varier le courant dans la ligne COL, le courant dans la ligne ROW étant nul (circuit ouvert)


Il faut donc trouver un moyen pour faire varier le courant dans la ligne COL, par pas de 100µA, de 100(chiffre 0) à 1000µA (chiffre 9).
Ce courant doit "sortir" de la ligne COL, puisque lorsqu'on utilise des résistances, on les relier à une commande TS, active à -15V.
D'autre part, ce courant doit être présent uniquement pendant le bon TS pour ne pas perturber les autres TS qui ne sont qu'à 200µs les uns des autres ...
Il faut donc un peu d'électronique; le mieux est d'utiliser un circuit générateur de courant qui sera commandé par une tension proportionnelle et qui sera validé par une commande TS, voyons ce schéma :


Principe du générateur de courant

La tension d'entrée, E, sera créée à l'aide d'un CNA. Elle doit varier de 0,25V à 2,5V, par pas de 0,25V pour les chiffres de 0 à 9.
Cette tension se retrouve sur l'entrée + de l'ampli à condition que T1 soit bloqué, ce qui arrive lorsque TS est à -15V (donc pendant l'impulsion)
En revanche, en dehors de l'impulsion, TS est à 0V, T1 est saturé, la résistance de valeur 10 est donc reliée au -15V. Le pont diviseur 10/(10+4) fait que la tension sur l'entrée + de l'ampli devient fortement négative.
L'ampli a un gain de 2 sur l'entrée + et un gain de -1 sur l'entrée - car les 2 résistances R ont même valeur. L'entrée - est reliée à une tension U0, de l'ordre de 8V.
L'ampli commande le transistor T2 dont l'émetteur est relié par la résistance Re à une tension fixe, Ue, de l'ordre de -8V et le collecteur à la ligne COL.
Pour faire varier le courant dans la ligne COL, il suffira donc de faire varier la tension de base de T2, donc de son émetteur. Le courant dans la ligne COL sera égal à (Ve-Ue)/Re.
L'expression de la tension Ve est : 2E-U0. Pour que la tension (Ve-Ue) soit égale à 2E, il suffit donc que U0 soit égale à -Ue.
Il faudra donc ajuster une des 2 tensions afin de régler le "zéro" courant afin que le courant correspondant au chiffre 0 soit bien de 100µA.

Voici le schéma précis d'un module comprenant 2 générateurs de courant, ce qui correspond au nombre d'heures, de minutes ou de secondes à afficher :


Module générateurs de courant
Les 2 générateurs utiisent le même ampli double (TL062). Les potentiomètres ajustent les tensions U0 des 2 générateurs, indépendamment l'un de l'autre car la tension Ue est commune (zener) et il n'est pas dit que les offsets et les réistances soient exactement les mêmes pour les deux générateurs.
Les condos de 3,3pF améliorent la réponse de l'ampli en éliminant les transitoires de commutation. Les condos de 10pF "avancent" de 10µs environ le créneau de tension sur l'entrée + des amplis ce qui fait que le courant de sortie est bien centré dans l'impulsion.

Voilà pour le prinipe, seulement, lorsque j'ai câblé la prise de l'option 3, je n'ai pas prévu d'alimentations ... il faut donc le faire :


Connexions des 4 lignes d'alim (0V, +5V, +15V, -15V)

Pas besoin de désaccoupler les 2 châssis, les points de soudage sont accessibles en enlevant le capot gauche.


Toron allant à la prise




Vue du cheminement du toron dans l'oscillo



Reprenons l'étude électronique de la pendule ... il nous faut 3 modules générateurs :



Une carte de commande à base de PIC 16F690 :



Le microcontrôleur gère la pendule grâce à 6 octets contenant les chiffres des heures, minutes, secondes.
Puis il convertit les valeurs de ces octets en analogique grâce aux 3 CNA doubles MCP4822 qui commandent les générateurs de courant (symbolisés)
A la mise sous tension, l'heure se met à 8h, l'affichage est donc 08.00.00 ; en effet, c'est en général l'heure du début du travail et la mise à l'heure sera facilitée à l'utilisateur grâce à 2 boutons-poussoirs, un pour les heures, un pour les minutes. Les secondes sont mises à 00 lorsqu'on ajuste les minutes (pas les heures)
Les points de séparation sont affichés grâce aux 4 résistances (16,5k et 21,5k) car pour coder un point, il faut un courant sur COL et un courant sur ROW
Sur les lignes TS, j'ai du mettre des cellules d'amortissement pour éviter de perturber le readout, créant alors des affichages "monstrueux" dans les autres zones ...

Voyons en pratique ce que ça donne :


Signal sur l'entrée + d'un ampli lors de la commande d'un TS




Signal sur l'émetteur d'un transistor T2 lors de la même commande

Les transitoires visibles ont été supprimées grâce au condo de 3,3pF. De même, après ajout du 10pF en parallèle sur la 1M de base de T1, le signal sur Ue s'est déplacé de 10µs vers la gauche.


Suroscillations inacceptables sur TS7 avant l'ajout des cellules d'amortissement




Carte micro (le PIC n'est pas encore installé)





Une carte générateur double
J'ai choisi de faire des cartes enfichables pour faciliter la mise au point et le dépannage éventuel ...



Ensemble de la pendule
Au centre, la carte convertisseurs munie des 3 modules générateurs doubles. A droite, la carte PIC. Au fond la prise sub-D 25 points.
Sur le dessus, le réglage des zéros de chaque digit est facile d'accès. Le réglage se fait lorsqu'un "0" est censé s'afficher. On recherche les positions extrêmes qui affichent bien le "0" (trop bas, le caractère disparait, trop haut c'est un "1" qui apparait). Puis on règle sur une position médiane de ces deux extrêmes. On vérifie ensuite que les autres chiffres sont bien affichés. Si ce n'est pas le cas, on retouche le réglage.



Les cellules d'amortissement sont câblées directement sur la prise
Voyons ce que ça donne à l'écran :


Pas mal du tout ...

Voici une vidéo prise sur l'écran de ce 5440, équipé de la pendule, et visualisant TS8 (unités des secondes) et la tension Ue du Générateur de courant correspondant :
Remarquez la montée progressive de la tension, au rythme de la seconde, en même temps que les secondes s'incrémentent ...


Enfin, je vais vous montrer un petit défaut du système readout ... ce système affiche donc à l'écran des caractères et prend donc du temps aux balayages ... cela veut dire que dans certaines conditions, on verra des "trous" dans le balayage.
Cela se produira plus souvent lorsque la base de temps sera rapide et lorsqu'on activera les 4 canaux possibles.
Voici un exemple :


Interruption des balayages par le readout
Tout en haut, les 2 canaux du tiroir de gauche ne sont pas interrompus, mais les 2 signaux utiles le sont. Les "trous" durent environ 30µs. Je pense que le trou dans le 3° signal (l'impulsion TS) correspond à l'affichage des textes du haut de l'écran, et le trou dans le 4° signal (la tension Ue) correspond à l'affichage des textes du bas de l'écran
Ce qui est remarquable, c'est que selon le moment où l'on active un tiroir, ce ne sont pas toujours les mêmes balayages qui sont interrompus; pour preuve, les 3 autres combinaisons possibles :


balayages 2 et 3 interrompus


balayages 1 et 2 interrompus


balayages 1 et 4 interrompus


Voilà, cette petite étude est terminée, j'espère qu'elle vous aura intéressé, même si ce n'est pas vraiment de la technique à tubes (à part le cathodique de cet oscillo, bien sûr)